Diplômé en Géographie et en Management des Ressources
Humaines, Assistant de programmes au bureau d’Abidjan de la Fondation
Allemande Friedrich Naumann pour la Liberté, il est engagé dans la
société civile sur les thématiques de jeunes et de gouvernance
associative. Dans cet entretien, il partage son expérience, sa vision de
l’entrepreneuriat…
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Après
l’obtention du BAC, j’ai été orienté à l’Institut de Géographie
Tropicale de l’Université de Cocody (Ndlr aujourd’hui université Félix
Houphouët Boigny). Après trois années à l’université, j’ai découvert que
j’étais plus destiné à un autre domaine de formation et de métier.
C’est alors que je me suis réorienté et inscrit, en Management des
Ressources Humaines dans une grande école de la place.
Est-ce à dire que la formation au niveau de l’Université n’est pas complète ?
Non.
On ne peut pas l’analyser simplement sous cet angle. La formation à
l’université est importante et plus globale. Le mot même (Ndlr
Université) le dit. C’est l’univers de la cité. C’est un vaste ensemble
très souvent généraliste, un tout qui vous ouvre l’esprit et vous permet
d’avoir un regard large sur le monde. Après, c’est à chacun de trouver
sa voie à partir des formations reçues pour la spécialisation. La grande
difficulté, c’est de pouvoir trouver cette voie ou détecter notre
domaine de compétence et même des opportunités de carrière. Ce n’est pas
toujours évident pour tous les jeunes d’avoir cette possibilité de se
découvrir et d’appréhender ses propres compétences, ses qualités et de
pouvoir continuer ou d’arrêter dans la voie empruntée.
Qu’est-ce que votre engagement associatif vous a apporté ?
Mon
engagement associatif m’a permis de développer des compétences et des
qualités recherchées dans le monde du travail. Lesquelles m’ont été
d’un atout indéniable pour mon insertion professionnelle. L’engagement
associatif m’a donné l’occasion d’éprouver mes capacités et mes
aptitudes de travail avant d’être recruté par France Volontaires et
ensuite par la Fondation Friedrich Naumann où j’occupe actuellement le
poste d’assistant programmes.
Vous êtes très passionné de la vie associative. Dites d’où est venu pour vous l’idée de prendre de telle initiative ?
Je
suis motivé par la vie associative parce que d’abord, je crois dans la
force du service et du don de soi et plus, je considère l’engagement
associatif comme un outil de formation complémentaire pour les jeunes et
pour chaque citoyen. Mon engagement est parti du service bénévole à
l’église et cela m’a poursuivi jusqu’à l’Université où avec des amis,
nous avons créé l’association des étudiants et diplômés de Géographie de
Côte d’Ivoire dénommée GEOPLANET. Ensuite, nous avons mis en place
l’ONG Education pour une Société Durable (ESD) au sein de laquelle nous
travaillions sur des questions de société, d’éducation aux droits
humains et de respect de la dignité humaine.
De l’étudiant
en géographie à un poste d’assistant programme de la Fondation Naumann
que vous occupez actuellement en passant par GEOPLANET et l’ONG
Education pour une Société Durable. Comment expliquez-vous ce parcours ?
(Rires) J’avais un rêve et je pense que la seule chose que même le pauvre peut s’offrir sans argent, c’est le rêve.
Est-ce que le rêve seul suffit ?
Non !
Le rêve seul ne suffit pas. Mais, tout commence d’abord par le rêve. Le
rêve ne veut pas dire de penser aux choses irréalistes et
irréalisables. Personnellement pour ma vie, j’ai un rêve et je suis
motivé à réussir. Pour y arriver, l’une des choses la plus importante,
c’est la formation. Se former même au-delà de l’école parce que ce n’est
pas le seul endroit où l’on peut se former et développer des
compétences. Le fait même de rencontrer et d’échanger avec des aînés ou
de militer dans des associations, c’est formateur. Très tôt, je me suis
engagé dans les associations. Cela m’a permis de renforcer mes capacités
et d’apprendre des choses que je n’ai pas eu l’occasion d’apprendre à
l’université. Deuxième chose, il faut oser entreprendre. Quand nous
étions à l’université, avec des amis, nous développions des petites
activités lucratives qui nous permettaient d’avoir des moyens
substantiels pour pouvoir assurer certains besoins quotidiens. Vous
savez, quand on arrive à un certain niveau de la vie et si on est motivé
à réussir, les parents seuls ne peuvent plus supporter toutes nos
charges. Il faut trouver d’autres sources. Enfin, pour réussir, il faut
pouvoir entretenir de bonnes valeurs.
Quelles sont ces valeurs ?
Ces
valeurs sont entre autre l’éthique, le courage, l’abnégation dans le
travail, l’honnêteté et le respect à l’égard de tous ceux qui nous
entourent et qui nous font confiance.
Est-ce à dire que ces valeurs manquent aux jeunes ?
Je
ne dirai pas que ça manque à beaucoup de jeunes, mais je souhaiterais
que nous nous appropriions davantage ces valeurs. Et le socle de toutes
ces valeurs, c’est la foi en Dieu. Personnellement, Dieu a été pour
beaucoup dans ma vie. Je ne parle pas de religiosité mais bien d’une
relation avec Dieu le créateur qui est capable de faire de nous de
nouvelles créatures.
Quels sont les obstacles que vous avez pu surmonter dans votre parcours ?
Je
ne sais pas si j’ai toujours réussi à surmonter tous les obstacles.
Mais il faut dire que cela n’a pas été facile. Quand je m’engageais dans
les associations, la première difficulté, c’est que je n’étais pas
souvent régulier à la maison pourtant je devais faire certains travaux
de ménage. Par exemple, le matin au réveil, je devais balayer la maison,
essuyer le salon etc. Et quand c’est ainsi, ça crée des soucis avec les
parents. Le deuxième obstacle, ce sont les amis, qui souvent ne vous
comprennent pas. Certains ne vous dites pas vraiment la vérité et ne
sont pas vrais avec vous. On vous torpille, vous calomnie et dit des
faussetés sur vous. Malgré cela, vous devez pouvoir avancer. L’autre
difficulté, ce sont les moyens financiers. Figurez-vous qu’il y a eu des
jours que je ne mangeais pas. Non parce que je n’avais pas faim mais
parce que je n’avais pas parfois les moyens de manger quand je suis hors
de la maison. Il faut aussi pouvoir payer régulièrement le transport
quand on se déplace. Ça coûte. Malgré toutes ces difficultés, il y a une
chose très importante à savoir : c’est de ne pas se laissé affecter. Il
faut toujours chercher les moyens pour aller de l’avant. Rien ne doit
faire obstacle et résister à ta volonté de réussir. C’est pourquoi, il faut
savoir rester positif et ne pas accuser les autres de toutes nos
épreuves. Même les moments où des personnes refusent de t’aider,
considère simplement que ce sont toutes ces circonstances qui vont
t’aider à avancer. Dis-toi que s’ils te donnaient certainement ce que tu
demandes, peut-être que cela ne t’aiderais pas pour réussir. C’est en cela
que je dis qu’il faut croire Dieu. C’est important car toutes choses
concourent au bien de ceux qui aiment le Seigneur.
Vous avez participé aux Assises de la Jeunesse 2015. Que pensez-vous de cette initiative et quel bilan personnel faites-vous ?
J’ai
connu la première fois les Assises de la Jeunesse en 2011 à la
télévision nationale par laquelle on invitait les jeunes à participer.
J’y suis allé et j’ai écouté les discours et les communications. J’ai
apprécié l’initiative et le contenu des messages. C’est en 2012 que j’ai
eu l’occasion de rencontrer les responsables du comité d’organisation.
Ils ont apprécié le travail bénévole qu’on faisait dans notre
association et ont décidé de nous associer à l’organisation. Je crois
que les Assises de la jeunesse représentent une belle initiative dans la
mesure où ce sont les jeunes eux-mêmes qui ont décidé d’organiser de
façon périodique une rencontre pour réfléchir et discuter des questions
qui les concernent. C’est une initiative à encourager. Mais en toute
chose humaine, il y a des imperfections. Nous pensons que
progressivement, les choses vont s’améliorer. Cette 4e
édition a été également une réelle opportunité pour plusieurs jeunes
d’avoir des opportunités de formations ou de stages et d’entendre des
témoignages édifiants de personnalités comme monsieur Ydo Yao, le
représentant résidant de l’UNESCO en Côte d’Ivoire. J’ai entendu son
histoire et personnellement ça m’a conforté que tout est possible à
celui qui croit et travaille rigoureusement pour réussir. Il n’est pas
issu d’une famille riche mais il est aujourd’hui fonctionnaire
international. Ce genre de message est important pour les jeunes qui ont
besoin de repères et de bons modèles. Si les Assises de la Jeunes
peuvent être ce cadre tant mieux.
Pour vous c’est quoi l’entreprenariat et comment vous le percevez ?
L’entreprenariat
pour moi, c’est cette capacité d’un individu à prendre des initiatives
pour créer quelque chose ou pour donner de la valeur à une chose. C’est
donc s’engager à inventer ce qui n’existe pas ou créer de la valeur
ajoutée à quelque chose qui existe déjà. Ça peut être au niveau
économique où on apporte une réponse économique à un besoin. Par
exemple, si des populations ont du mal à trouver des produits de
consommation dans une zone, en tant qu’entrepreneur, je vais créer une
entreprise de vente ou de production de vivres et autres en vue de
répondre à leur besoin. Pareil pour des problèmes de qualification. Un
entrepreneur va mettre en place un cabinet de formation pour répondre au
besoin de qualification et de formation. Cela dit, en fonction des
besoins qui se font sentir dans une société, apporter des réponses,
imaginer des solutions concrètes, c’est cela l'entrepreneuriat.
Très
souvent les jeunes que nous rencontrons disent qu’ils n’ont pas de
moyens. Alors, a-t-on besoin de moyens pour prendre des initiatives ou
pour entreprendre ?
Oui, on a besoin de moyens mais on
n’a pas forcément besoin de beaucoup d’argent pour commencer. Tout
commence par une idée qui fait suite à un besoin constaté. Il faut donc
de la créativité. Tu peux avoir beaucoup de ressources mais si tu n’as
pas d’imagination, tu ne feras pas long feu. L’imagination et la
créativité se cultivent. L’entrepreneur doit donc lire, faire des
recherches, se former, fréquenter des espaces d’échanges, participer à
des colloques, des conférences, etc. Tout cela, demande un minimum de
moyens. Mais là encore, il faut assez d’imagination et de stratégies
pour ne pas que ces besoins soient des obstacles. J’insiste sur le fait
que les moyens ne sont pas toujours financiers. Ne limitons donc pas
tout à l’argent, au risque de n’arriver nulle part. C’est pourquoi, je
pense qu’il y a au moins deux compétences de base qu’un entrepreneur
doit avoir. La première, c’est la capacité de pouvoir créer un réseau et
d’utiliser intelligemment ses contacts. Et la deuxième, c’est la
capacité à détecter des opportunités et les exploiter. Si un
entrepreneur a ces deux compétences, c’est bon pour le début. Le reste
suivra.
Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes qui n’ont pas encore nourris l’idée d’entreprendre ?
Ce
sont juste des rappels car très souvent ce sont des choses qu’on sait
déjà. La première des choses avant d’entreprendre, c’est de s’ouvrir aux
autres. Ce n’est pas évident car plusieurs personnes ont peur de se
faire voler leurs idées. Pourtant, la rencontre et l’échange avec les
autres peut permettre d’améliorer notre idée. Ne pas se créer des
barrières et accepter de prendre ce qui peut nous être utile chez les
autres. Comme, je viens de le dire, la capacité de se créer un réseau et
utiliser les contacts, c’est important. Deuxièmement, il faut passer à
l’action après avoir pris en compte l’avis des autres. On peut ne pas
réussir la première fois, mais il faut quand même essayer. Car en
essayant, tu vas t’améliorer, les gens verront ta détermination, ton
effort et t’apporteront l’aide nécessaire. Aussi, un entrepreneur doit
savoir que tout ne s’obtient pas ici et maintenant dans la vie. Il faut
prendre le temps de bien faire les choses, ne pas se presser en disant
qu’il faut que j’ai cela aujourd’hui sinon je ne fais rien. Il faut
prendre le temps de construire sur le long terme car tout ce qui est
durable se construit dans le temps avec persévérance. Une autre chose
fondamentale est de mettre Dieu au cœur de tout ce qu’on fait, que ce
soit dans la vie associative, au travail, ou en famille. Il y a dans la
vie cet autre aspect invisible qu’on ne maîtrise pas mais qui peut être
déterminant. En tant qu’humain, nous pouvons maitriser le visible mais
la dimension invisible, nous échappe. Et cette dimension, Dieu s’en
charge.
Que fait concrètement votre Fondation Naumann en Côte d’Ivoire ? Avez-vous des projets pour la jeunesse ?
Comme
partout où elle a des bureaux, la Fondation Friedrich Naumann pour la
Liberté est une fondation allemande qui promeut les libertés
individuelles et le Libéralisme. La Fondation Naumann croit qu’une
démocratie fonctionnelle a besoin de citoyens instruits et informés
politiquement. Elle croit donc que l’éducation civique est un moyen et
une condition préalable pour la participation politique des citoyens et
pour la démocratie. Les activités de la Fondation dans le champ
d’éducation civique en Côte d’Ivoire consistent donc en des formations
politiques, des séminaires, des conférences et des publications visant à
promouvoir les valeurs et les principes libéraux. En côte d’ivoire,
nous travaillons avec les partis politiques et les organisations de la
société civile et notre cible principale, c’est la jeunesse que nous
considérons qu’il faille accompagner résolument pour qu’elle arrive à
relever les défis de développement de demain.
Interview réalisé par Amadou Traoré & Charles Kablan
Source: http://www.afroinitiativ.com/
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