lundi 18 septembre 2017

Interview: « La jeunesse a le pouvoir de changer les choses »

Diplômé en Géographie et en Management des Ressources Humaines, Assistant  de programmes au bureau d’Abidjan de la Fondation Allemande Friedrich Naumann pour la Liberté, il est engagé dans la société civile sur les thématiques de jeunes et de gouvernance associative. Dans cet entretien, il partage son expérience, sa vision de l’entrepreneuriat…



Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Après l’obtention du BAC, j’ai été orienté à l’Institut de Géographie Tropicale de l’Université de Cocody (Ndlr aujourd’hui université Félix Houphouët Boigny). Après trois années à l’université, j’ai découvert que j’étais plus destiné à un autre domaine de formation et de métier. C’est alors que je me suis réorienté et inscrit, en Management des Ressources Humaines dans une grande école de la place.

Est-ce à dire que la formation au niveau de l’Université n’est pas complète ?

Non. On ne peut pas l’analyser simplement sous cet angle. La formation à l’université est importante et plus globale. Le mot même (Ndlr Université) le dit. C’est l’univers de la cité. C’est un vaste ensemble très souvent généraliste, un tout qui vous ouvre l’esprit et vous permet d’avoir un regard large sur le monde. Après, c’est à chacun de trouver sa voie à partir des formations reçues pour la spécialisation. La grande difficulté, c’est de pouvoir trouver cette voie ou détecter notre domaine de compétence et même des opportunités de carrière. Ce n’est pas toujours évident pour tous les jeunes d’avoir cette possibilité de se découvrir et d’appréhender ses propres compétences, ses qualités et de pouvoir continuer ou d’arrêter dans la voie empruntée.

Qu’est-ce que votre engagement associatif vous a apporté ?

Mon engagement associatif m’a permis de développer des compétences et des qualités  recherchées dans le monde du travail. Lesquelles m’ont été d’un atout indéniable pour mon insertion professionnelle. L’engagement associatif m’a donné l’occasion d’éprouver mes capacités et mes aptitudes de travail avant d’être recruté par France Volontaires et ensuite par la Fondation Friedrich Naumann où j’occupe actuellement le poste d’assistant programmes.

Vous êtes très passionné de la vie associative. Dites d’où est venu pour vous l’idée de prendre de telle initiative ?

Je suis motivé par la vie associative parce que d’abord, je crois dans la force du service et du don de soi et plus, je considère l’engagement associatif comme un outil de formation complémentaire pour les jeunes et pour chaque citoyen. Mon engagement est parti du service bénévole à l’église et cela m’a poursuivi jusqu’à l’Université où avec des amis, nous avons créé l’association des étudiants et diplômés de Géographie de Côte d’Ivoire dénommée GEOPLANET. Ensuite, nous avons mis en place l’ONG Education pour une Société Durable (ESD) au sein de laquelle nous travaillions sur des questions de société, d’éducation aux droits humains et de respect de la dignité humaine.

De l’étudiant en géographie à un poste d’assistant programme de la Fondation Naumann que vous occupez actuellement en passant par GEOPLANET et l’ONG Education pour une Société Durable. Comment expliquez-vous ce parcours ?

(Rires) J’avais un rêve et je pense que la seule chose que même le pauvre peut s’offrir sans argent, c’est le rêve.

Est-ce que le rêve seul suffit ?

Non ! Le rêve seul ne suffit pas. Mais, tout commence d’abord par le rêve. Le rêve ne veut pas dire de penser aux choses irréalistes et irréalisables. Personnellement pour ma vie, j’ai un rêve et je suis motivé à réussir. Pour y arriver, l’une des choses la plus importante, c’est la formation. Se former même au-delà de l’école parce que ce n’est pas le seul endroit où l’on peut se former et développer des compétences. Le fait même de rencontrer et d’échanger avec des aînés ou de militer dans des associations, c’est formateur. Très tôt, je me suis engagé dans les associations. Cela m’a permis de renforcer mes capacités et d’apprendre des choses que je n’ai pas eu l’occasion d’apprendre à l’université. Deuxième chose, il faut oser entreprendre. Quand nous étions à l’université, avec des amis, nous développions des petites activités lucratives qui nous permettaient d’avoir des moyens substantiels pour pouvoir assurer certains besoins quotidiens. Vous savez, quand on arrive à un certain niveau de la vie et si on est motivé à réussir, les parents seuls ne peuvent plus supporter toutes nos charges. Il faut trouver d’autres sources. Enfin, pour réussir, il faut pouvoir entretenir de bonnes valeurs.

Quelles sont ces valeurs ?

Ces valeurs sont entre autre l’éthique, le courage, l’abnégation dans le travail, l’honnêteté et le respect à l’égard de tous ceux qui nous entourent et qui nous font confiance.

Est-ce à dire que ces valeurs manquent aux jeunes ? 

Je ne dirai pas que ça manque à beaucoup de jeunes, mais je souhaiterais que nous nous appropriions davantage ces valeurs. Et le socle de toutes ces valeurs, c’est la foi en Dieu. Personnellement, Dieu a été pour beaucoup dans ma vie. Je ne parle pas de religiosité mais bien d’une relation avec Dieu le créateur qui est capable de faire de nous de nouvelles créatures.

Quels sont les obstacles que vous avez pu surmonter dans votre parcours ?

Je ne sais pas si j’ai toujours réussi à surmonter tous les obstacles. Mais il faut dire que cela n’a pas été facile. Quand je m’engageais dans les associations, la première difficulté, c’est que je n’étais pas souvent régulier à la maison pourtant je devais faire certains travaux de ménage. Par exemple, le matin au réveil, je devais balayer la maison, essuyer le salon etc. Et quand c’est ainsi, ça crée des soucis avec les parents. Le deuxième obstacle, ce sont les amis, qui souvent ne vous comprennent pas. Certains ne vous dites pas vraiment la vérité et ne sont pas vrais avec vous.  On vous torpille, vous calomnie et dit des faussetés sur vous. Malgré cela, vous devez pouvoir avancer. L’autre difficulté, ce sont les moyens financiers. Figurez-vous qu’il y a eu des jours que je ne mangeais pas. Non parce que je n’avais pas faim mais parce que je n’avais pas parfois les moyens de manger quand je suis hors de la maison. Il faut aussi pouvoir payer régulièrement le transport quand on se déplace. Ça coûte. Malgré toutes ces difficultés, il y a une chose très importante à savoir : c’est de ne pas se laissé affecter. Il faut toujours chercher les moyens pour aller de l’avant. Rien ne doit faire obstacle et résister à ta volonté de réussir. C’est pourquoi, il faut savoir rester positif et ne pas accuser les autres de toutes nos épreuves. Même les moments où des personnes refusent de t’aider, considère simplement que ce sont toutes ces circonstances qui vont t’aider à avancer. Dis-toi que s’ils te donnaient certainement ce que tu demandes, peut-être que cela ne t’aiderais pas pour réussir. C’est en cela que je dis qu’il faut croire Dieu. C’est important car toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment le Seigneur.

Vous avez participé aux Assises de la Jeunesse 2015. Que pensez-vous de cette initiative et quel bilan personnel faites-vous ?

J’ai connu la première fois les Assises de la Jeunesse en 2011 à la télévision nationale par laquelle on invitait les jeunes à participer. J’y suis allé et j’ai écouté les discours et les communications. J’ai apprécié l’initiative et le contenu des messages. C’est en 2012 que j’ai eu l’occasion de rencontrer les responsables du comité d’organisation. Ils ont apprécié le travail bénévole qu’on faisait dans notre association et ont décidé de nous associer à l’organisation. Je crois que les Assises de la jeunesse représentent une belle initiative dans la mesure où ce sont les jeunes eux-mêmes qui ont décidé d’organiser de façon périodique une rencontre pour réfléchir et discuter des questions qui les concernent. C’est une initiative à encourager. Mais en toute chose humaine, il y a des imperfections. Nous pensons que progressivement, les choses vont s’améliorer. Cette 4e édition a été également une réelle opportunité pour plusieurs jeunes d’avoir des opportunités de formations ou de stages et d’entendre des témoignages édifiants de personnalités comme monsieur Ydo Yao, le représentant résidant de l’UNESCO en Côte d’Ivoire. J’ai entendu son histoire et personnellement ça m’a conforté que tout est possible à celui qui croit et travaille rigoureusement pour réussir. Il n’est pas issu d’une famille riche mais il est aujourd’hui fonctionnaire international. Ce genre de message est important pour les jeunes qui ont besoin de repères et de bons modèles. Si les Assises de la Jeunes peuvent être ce cadre tant mieux.

Pour vous c’est quoi l’entreprenariat et comment vous le percevez ?

L’entreprenariat pour moi, c’est cette capacité d’un individu à prendre des initiatives pour créer quelque chose ou pour donner de la valeur à une chose. C’est donc s’engager à inventer ce qui n’existe pas ou créer de la valeur ajoutée à quelque chose qui existe déjà. Ça peut être au niveau économique où on apporte une réponse économique à un besoin. Par exemple, si des populations ont du mal à trouver des produits de consommation dans une zone, en tant qu’entrepreneur, je vais créer une entreprise de vente ou de production de vivres et autres en vue de répondre à leur besoin. Pareil pour des problèmes de qualification. Un entrepreneur va mettre en place un cabinet de formation pour répondre au besoin de qualification et de formation. Cela dit, en fonction des besoins qui se font sentir dans une société, apporter des réponses, imaginer des solutions concrètes, c’est cela l'entrepreneuriat.

Très souvent les jeunes que nous rencontrons disent qu’ils n’ont pas de moyens. Alors, a-t-on besoin de moyens pour prendre des initiatives ou pour entreprendre ?

Oui, on a besoin de moyens mais on n’a pas forcément besoin de beaucoup d’argent pour commencer. Tout commence par une idée qui fait suite à un besoin constaté. Il faut donc de la créativité. Tu peux avoir beaucoup de ressources mais si tu n’as pas d’imagination, tu ne feras pas long feu. L’imagination et la créativité se cultivent. L’entrepreneur doit donc lire, faire des recherches, se former, fréquenter des espaces d’échanges, participer à des colloques, des conférences, etc. Tout cela, demande un minimum de moyens. Mais là encore, il faut assez d’imagination et de stratégies pour ne pas que ces besoins soient des obstacles. J’insiste sur le fait que les moyens ne sont pas toujours financiers. Ne limitons donc pas tout à l’argent, au risque de n’arriver nulle part. C’est pourquoi, je pense qu’il y a au moins deux compétences de base qu’un entrepreneur doit avoir. La première, c’est la capacité de pouvoir créer un réseau et d’utiliser intelligemment ses contacts. Et la deuxième, c’est la capacité à détecter des opportunités et les exploiter. Si un entrepreneur a ces deux compétences, c’est bon pour le début. Le reste suivra.

Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes qui n’ont pas encore nourris l’idée d’entreprendre ?

Ce sont juste des rappels car très souvent ce sont des choses qu’on sait déjà. La première des choses avant d’entreprendre, c’est de s’ouvrir aux autres. Ce n’est pas évident car plusieurs personnes ont peur de se faire voler leurs idées. Pourtant, la rencontre et l’échange avec les autres peut permettre d’améliorer notre idée. Ne pas se créer des barrières et accepter de prendre ce qui peut nous être utile chez les autres. Comme, je viens de le dire, la capacité de se créer un réseau et utiliser les contacts, c’est important. Deuxièmement, il faut passer à l’action après avoir pris en compte l’avis des autres. On peut ne pas réussir la première fois, mais il faut quand même essayer. Car en essayant, tu vas t’améliorer, les gens verront ta détermination, ton effort et t’apporteront l’aide nécessaire. Aussi, un entrepreneur doit savoir que tout ne s’obtient pas ici et maintenant dans la vie. Il faut prendre le temps de bien faire les choses, ne pas se presser en disant qu’il faut que j’ai cela aujourd’hui sinon je ne fais rien. Il faut prendre le temps de construire sur le long terme car tout ce qui est durable se construit dans le temps avec persévérance. Une autre chose fondamentale est de mettre Dieu au cœur de tout ce qu’on fait, que ce soit dans la vie associative, au travail, ou en famille. Il y a dans la vie cet autre aspect invisible qu’on ne maîtrise pas mais qui peut être déterminant. En tant qu’humain, nous pouvons maitriser le visible mais la dimension invisible, nous échappe. Et cette dimension, Dieu s’en charge.

Que fait concrètement votre Fondation Naumann en Côte d’Ivoire ? Avez-vous des projets pour la jeunesse ?

Comme partout où elle a des bureaux, la Fondation Friedrich Naumann pour la Liberté est une fondation allemande qui promeut les libertés individuelles et le Libéralisme. La Fondation Naumann croit qu’une démocratie fonctionnelle a besoin de citoyens instruits et informés politiquement. Elle croit donc que l’éducation civique est un moyen et une condition préalable pour la participation politique des citoyens et pour la démocratie. Les activités de la Fondation dans le champ d’éducation civique en Côte d’Ivoire consistent donc en des formations politiques, des séminaires, des conférences et des publications visant à promouvoir les valeurs et les principes libéraux. En côte d’ivoire, nous travaillons avec les partis politiques et les organisations de la société civile et notre cible principale, c’est la jeunesse que nous considérons qu’il faille accompagner résolument pour qu’elle arrive à relever les défis de développement de demain.

Interview réalisé par Amadou Traoré & Charles Kablan

Source: http://www.afroinitiativ.com/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire