Le comité d’experts chargé de rédiger le projet de nouvelle constitution a entamé une série
de consultation qui a démarrée la semaine dernière avec plusieurs institutions
dont l’Assemblée Nationale, la cour suprême et le Conseil constitutionnel.
A l’évidence, le Comité d’experts mis en place le 31 mai
2016 et dont le rapport devrait avoir été déposé fin juin passé selon le vœu du
chef de l’Etat a décidé d’observer un « petit moment d’arrêt » pour
prendre des consultations auprès des institutions et de la société civile.
Le professeur de Droit-Président du comité des experts a
indiqué qu’il ne s’agit pas (plus) d’une révision de la constitution mais
bien de la rédaction d’une nouvelle: « Il
s’agit de proposer au Président (de la République) un avant-projet pour une
nouvelle constitution. J’insiste. Il ne s’agit pas d’abroger la constitution en
vigueur, il s’agit d’élaborer une nouvelle constitution ».
« Le comité des
experts a travaillé sur plus d’un mois, nous avons décidé d’observer un petit
moment d’arrêt de notre travail, prendre des consultations auprès des
institutions, des pouvoirs publics, mais aussi auprès de la société civile pour
que nous puissions échanger avec tous ces interlocuteurs et voir dans quelle
mesure nous pouvons revoir notre copie »,
a déclaré le Prof Ouraga Obou à la sortie de sa rencontre avec le Président du
Conseil Constitutionnel, le jeudi 4 Août dernier.
Selon les informations, la série de consultations est prévue
pour durer deux à trois semaines.
Pour rappel, le Chef de l’Etat a décidé de réviser la
Constitution d’Août 2000. Si cette décision rencontre l’assentiment de
plusieurs, la démarche quant à elle est désapprouvée par nombre de citoyens et
leaders d’opinions.
La démarche du Chef de l’Etat consiste à donner ″plein
pouvoir″ au comité de juristes désigné par lui pour rédiger un projet de
constitution suivant ses orientations et des propositions qui seraient faites
par les organisations du corps social qui le voudraient.
A l’analyse, cette démarche même si elle est bonne, elle
parait insuffisante pour plusieurs acteurs de la société surtout que selon le
président du comité d’experts, il ne s’agit plus d’une « simple » révision de quelques articles mais bien de
doter la Côte d’Ivoire d’une nouvelle
constitution.
En effet, par définition, la Constitution est la loi
fondamentale d’un Etat. C’est elle qui définit les droits et les libertés des
citoyens ainsi que l’organisation des institution et les séparations des
pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), donc d’assurer le fonctionnement
de la vie politique et de régir la vie de tous les citoyens.
De ce fait, le comité d’experts, dès l’instant qu’il ne
s’agit plus d’une « révision technique » de la constitution mais
plutôt de la rédaction d’une nouvelle, ne serait-il pas effectivement fondé
« d’observer un petit moment d’arrêt
de son travail… et revoir sa
copie », au risque qu’il se substitue aux différents corps sociaux
pour régler des problèmes politiques et de gouvernance ?
Donner le pouvoir au comité de juristes pour régler des
questions « politiques » (de la
cité), ne reviendrait-il pas de façon imagée qu’un mécanicien se donne le
droit de vendre la voiture que l’ami du propriétaire de ladite voiture lui a
confié pour dépannage et d’en acheter une nouvelle pour le propriétaire sans
lui avoir demandé au préalable son avis sur l’opportunité et même sur le choix ?
Le mécanicien (le comité d’experts) peut-il de manière
souveraine même en accord avec l’ami (le Président de la République) du
propriétaire (le peuple, le souverain) acheter une nouvelle voiture (nouvelle
constitution) de son choix pour le propriétaire sans avoir son avis au
préalable? En l’espèce, non !
L’intention du mécanicien serait louable mais condamnable
parce qu’elle s’opèrerait sans l’avis du propriétaire.
Dans une République (démocratique), la souveraineté
appartenant au peuple, c’est donc à lui qu’il revient de se doter d’une
nouvelle constitution. Dans un langage propre à lui, il dira ce qu’il veut pour
le fonctionnement de l’Etat, et aux juristes de s’en charger pour la traduction
dans le langage qui sied (technique et juridique).
Sinon, à supposer qu’on s’en tienne à la démarche
actuelle dans un contexte de rédaction d’une nouvelle constitution « et
non de simple révision » et que certaines propositions faites par le corps
social soient en contradiction, se heurtent ou se contrarient. Il faudra donc
arbitrer et faire un tri. Sur quelle base le comité serait qualifié pour opérer
un tel acte ? Au nom de quels critères, le comité devrait-il retenir telle
proposition ou rejeter telle autre ?
Au regard de ceci et comme voulu par le comité d’experts,
il serait donc approprié de revoir la démarche surtout que c’est maintenant
clair qu’il s’agit d’une nouvelle constitution. Il faut un consensus en amont,
de sorte à permettre aux différentes composantes du corps social (partis
politiques du pouvoir comme de l’opposition, société civile, jeunes, femmes,
etc.) de se retrouver, échanger, et s’accorder sur chaque grande réforme à
opérer. Après quoi, les résultats des réflexions seront transmis au comité
d’experts pour la rédaction et la traduction en des termes techniques et
juridiques.
Vivement que la démarche soit améliorée pour donner un
caractère plus inclusif et participatif à ce beau projet de reforme
constitutionnelle.
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