jeudi 11 août 2016

Le Comité d’Experts veut « revoir sa copie » : Et s’il avait raison ?




Le comité d’experts chargé de rédiger le projet de nouvelle constitution a entamé une série de consultation qui a démarrée la semaine dernière avec plusieurs institutions dont l’Assemblée Nationale, la cour suprême et le Conseil constitutionnel. 
 
A l’évidence, le Comité d’experts mis en place le 31 mai 2016 et dont le rapport devrait avoir été déposé fin juin passé selon le vœu du chef de l’Etat a décidé d’observer un « petit moment d’arrêt » pour prendre des consultations auprès des institutions et de la société civile. 



Le professeur de Droit-Président du comité des experts a indiqué qu’il ne s’agit pas (plus) d’une révision de la constitution mais bien de la rédaction d’une nouvelle: « Il s’agit de proposer au Président (de la République) un avant-projet pour une nouvelle constitution. J’insiste. Il ne s’agit pas d’abroger la constitution en vigueur, il s’agit d’élaborer une nouvelle constitution ».
« Le comité des experts a travaillé sur plus d’un mois, nous avons décidé d’observer un petit moment d’arrêt de notre travail, prendre des consultations auprès des institutions, des pouvoirs publics, mais aussi auprès de la société civile pour que nous puissions échanger avec tous ces interlocuteurs et voir dans quelle mesure nous pouvons revoir notre copie », a déclaré le Prof Ouraga Obou à la sortie de sa rencontre avec le Président du Conseil Constitutionnel, le jeudi 4 Août dernier. 

Selon les informations, la série de consultations est prévue pour durer deux à trois semaines.
Pour rappel, le Chef de l’Etat a décidé de réviser la Constitution d’Août 2000. Si cette décision rencontre l’assentiment de plusieurs, la démarche quant à elle est désapprouvée par nombre de citoyens et leaders d’opinions. 

La démarche du Chef de l’Etat consiste à donner ″plein pouvoir″ au comité de juristes désigné par lui pour rédiger un projet de constitution suivant ses orientations et des propositions qui seraient faites par les organisations du corps social qui le voudraient.  

A l’analyse, cette démarche même si elle est bonne, elle parait insuffisante pour plusieurs acteurs de la société surtout que selon le président du comité d’experts, il ne s’agit plus d’une « simple » révision de quelques articles mais bien de doter la Côte d’Ivoire  d’une nouvelle constitution. 

En effet, par définition, la Constitution est la loi fondamentale d’un Etat. C’est elle qui définit les droits et les libertés des citoyens ainsi que l’organisation des institution et les séparations des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), donc d’assurer le fonctionnement de la vie politique et de régir la vie de tous les citoyens. 

De ce fait, le comité d’experts, dès l’instant qu’il ne s’agit plus d’une « révision technique » de la constitution mais plutôt de la rédaction d’une nouvelle, ne serait-il pas effectivement fondé « d’observer un petit moment d’arrêt de son travail… et revoir sa copie », au risque qu’il se substitue aux différents corps sociaux pour régler des problèmes politiques et de gouvernance ?

Donner le pouvoir au comité de juristes pour régler des questions « politiques » (de la cité), ne reviendrait-il pas de façon imagée qu’un mécanicien se donne le droit de vendre la voiture que l’ami du propriétaire de ladite voiture lui a confié pour dépannage et d’en acheter une nouvelle pour le propriétaire sans lui avoir demandé au préalable son avis sur l’opportunité et même sur le choix ?

Le mécanicien (le comité d’experts) peut-il de manière souveraine même en accord avec l’ami (le Président de la République) du propriétaire (le peuple, le souverain) acheter une nouvelle voiture (nouvelle constitution) de son choix pour le propriétaire sans avoir son avis au préalable? En l’espèce, non !

L’intention du mécanicien serait louable mais condamnable parce qu’elle s’opèrerait sans l’avis du propriétaire. 

Dans une République (démocratique), la souveraineté appartenant au peuple, c’est donc à lui qu’il revient de se doter d’une nouvelle constitution. Dans un langage propre à lui, il dira ce qu’il veut pour le fonctionnement de l’Etat, et aux juristes de s’en charger pour la traduction dans le langage qui sied (technique et juridique).  

Sinon,  à supposer qu’on s’en tienne à la démarche actuelle dans un contexte de rédaction d’une nouvelle constitution « et non de simple révision » et que certaines propositions faites par le corps social soient en contradiction, se heurtent ou se contrarient. Il faudra donc arbitrer et faire un tri. Sur quelle base le comité serait qualifié pour opérer un tel acte ? Au nom de quels critères, le comité devrait-il retenir telle proposition ou rejeter telle autre ? 

Au regard de ceci et comme voulu par le comité d’experts, il serait donc approprié de revoir la démarche surtout que c’est maintenant clair qu’il s’agit d’une nouvelle constitution. Il faut un consensus en amont, de sorte à permettre aux différentes composantes du corps social (partis politiques du pouvoir comme de l’opposition, société civile, jeunes, femmes, etc.) de se retrouver, échanger, et s’accorder sur chaque grande réforme à opérer. Après quoi, les résultats des réflexions seront transmis au comité d’experts pour la rédaction et la traduction en des termes techniques et juridiques. 


 


Vivement que la démarche soit améliorée pour donner un caractère plus inclusif et participatif à ce beau projet de reforme constitutionnelle.

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